Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/370

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imaginé que Risler ne songeait plus à Sidonie, qu’il l’avait tout à fait oubliée.

– Comment !… tu veux ?…

– Ah ! écoute, je l’ai bien gagné. Je peux bien penser un peu à moi maintenant. J’ai assez pensé aux autres.

– Tu as raison, dit Planus. Eh bien ! voici ce que nous allons faire. La lettre et le paquet sont chez moi, à Montrouge. Si tu veux, nous irons dîner tous deux au Palais-Royal, tu te rappelles, comme au bon temps. C’est moi qui régale… Nous arroserons ta médaille avec du vin cacheté, quelque chose de fin !… Ensuite nous monterons ensemble à la maison. Tu prendras tes bibelots ; et, si c’est trop tard pour rentrer, mademoiselle Planus, ma sœur, te fera un lit et tu coucheras chez nous… On est bien, là-bas… c’est la campagne… Demain matin, à sept heures, nous reviendrons ensemble à la fabrique par le premier omnibus… Allons, pays, fais-moi ce plaisir. Sans cela je croirai que tu en veux toujours à ton vieux Sigismond…

Risler accepta. Il ne songeait guère à fêter sa médaille, mais à ouvrir quelques heures plus tôt cette petite lettre qu’il avait enfin conquis le droit de lire. Il fallut s’habiller. C’était toute une affaire, depuis six mois qu’il vivait en veste de travail Et quel événement dans la fabrique ! Madame Fromont fut tout de suite prévenue :

– Madame, madame… Voilà monsieur Risler qui sort.

Claire le regarda de ses fenêtres ; et ce grand corps courbé par le chagrin, appuyé au bras de Sigismond,