Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/60

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Et la petite boiteuse, penchée sur son ouvrage, partait pour un de ces grands voyages au pays des chimères, comme elle en faisait tant dans son fauteuil d’impotente, les pieds appuyés au tabouret immobile un de ces merveilleux voyages d’où elle revenait toujours, heureuse et souriante, s’appuyant au bras de Frantz de toute sa confiance d’épouse aimée. Ses doigts suivant le rêve de son cœur, le petit oiseau qu’elle tenait en ce moment et dont elle redressait les ailes froissées avait bien l’air d’être du voyage, lui aussi, de s’envoler là-bas, bien loin, joyeux et léger comme elle. La porte s’ouvrit tout à coup.

– Je ne vous dérange pas ? dit une voix triomphante.

La mère, un peu assoupie, releva la tête brusquement :

– Eh ! c’est monsieur Frantz… Entrez donc, monsieur Frantz… Vous voyez ; nous attendons le père… Ces brigands d’artistes, ça rentre toujours si tard… Asseyez-vous là… vous souperez avec lui…

– Oh ! non, merci, répondit Frantz dont les lèvres étaient encore pâles de l’émotion qu’il venait d’avoir ; merci, je ne m’arrête pas… J’ai vu de la lumière à la porte et je suis entré seulement pour vous dire… pour vous apprendre une grande nouvelle qui vous fera bien plaisir, car je sais que vous m’aimez…

– Et quoi donc, grand Dieu ?

– Il y a promesse de mariage entre monsieur Frantz Risler et mademoiselle Sidonie !…

– Là ! quand je vous disais qu’il ne lui manquait plus