Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/81

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Un dimanche matin, au retour d’un affût, on rapporta M. Fromont mortellement blessé. Un coup de fusil, destiné à un chevreuil, l’avait frappé près de la tempe. Le château fut bouleversé. Tous les chasseurs, parmi lesquels le maladroit inconnu, partirent en hâte vers Paris. Claire, folle de douleur, entra, pour n’en plus sortir, dans la chambre où son père agonisait, et Risler, prévenu de la catastrophe, vint vite chercher Sidonie.

La veille du départ elle eut avec Georges un dernier rendez-vous « au Fantôme », rendez-vous d’adieu, pénible et furtif, solennisé par le voisinage de la mort. On jura pourtant de s’aimer toujours : on convint d’un endroit où l’on pourrait s’écrire. Et ils se séparèrent.

Retour lugubre. – Brusquement, elle revenait à sa vie de tous les jours, escortée par le désespoir de Risler, pour qui la mort de son cher patron était une perte irréparable. Arrivée chez elle, il lui fallut raconter son séjour jusque dans les moindres détails, causer sur les habitants du château, sur les invités, les fêtes, les dîners, le désastre de la fin. Quel supplice pour elle qui, toute à une pensée toujours la même, aurait eu tant besoin de silence et de solitude. Mais ce n’était pas encore cela le plus terrible.

Dès le premier jour, Frantz était revenu s’asseoir à son ancienne place ; et ses regards qui la cherchaient, ses paroles qui s’adressaient à elle seule, lui semblaient d’une intolérable exigence.

Malgré toute sa timidité et sa défiance, le pauvre