Page:Daudet - Fromont jeune et Risler aîné, 1874.djvu/93

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je passe devant sa loge… Il est vrai que je ne suis pas une Fromont, moi, et que je n’ai pas de voiture…

– Voyons, petite, tu… c’est-à-dire… vous savez bien que tu… que vous pouvez vous servir du coupé de madame Chorche. Elle le met toujours à notre disposition.

– Combien de fois faut-il vous dire que je ne veux avoir aucune obligation à cette femme-là ?

– Oh ! Sidonie…

– Oui, nous savons, c’est convenu… madame Fromont, c’est le bon Dieu. Il est défendu d’y toucher Et moi, je dois me résigner à n’être rien dans la maison, à me laisser humilier, fouler aux pieds…

– Voyons, voyons, petite…

Le pauvre Risler essaye de s’interposer, de dire un mot en faveur de sa chère madame Chorche. Mais il est maladroit. C’est la pire des conciliations ; et pour le coup Sidonie éclate :

– Je vous dis, moi, qu’avec son air tranquille, cette femme est orgueilleuse et méchante… D’abord elle me déteste, je le sais… Tant que j’ai été la pauvre petite Sidonie, à qui l’on jetait les joujoux cassés et les vieilles robes, c’était bien ; mais maintenant que je suis maîtresse, moi aussi, cela la vexe et l’humilie… Madame me donne des conseils de haut, critique mes façons de faire… J’ai eu tort d’avoir une femme de chambre… Naturellement. N’ai-je pas été habituée à me servir moi-même ?… Elle cherche toutes les occasions de me blesser. Quand je vais chez elle le mercredi, il faut entendre de quel ton devant le monde