Page:Daudet - Jack, I.djvu/125

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on fait bien le sacrifice de quelques scrupules ; tu sais que j’ai besoin de la comtesse, que l’idée de ma Revue coloniale lui a souri, et tu fais ce que tu peux pour entraver l’affaire. Vraiment, ça n’est pas gentil.

D’Argenton, après s’être laissé beaucoup prier, finit par accepter.

Le lundi suivant, M. et madame Moronval ayant laissé le gymnase sous la surveillance du docteur Hirsch, se rendirent au petit hôtel du boulevard Haussmann, où le poëte devait les rejoindre.

Le dîner était pour sept heures. D’Argenton ne vint qu’à sept heures et demie, et vous pouvez penser que, pendant cette demi-heure, il ne fut pas possible à Moronval de parler de son grand projet.

Ida était d’une inquiétude !

— Croyez-vous qu’il viendra ?… Pourvu qu’il ne soit pas malade… Il a l’air si délicat.

Enfin, il arriva, fatal et frisé, s’excusa légèrement sur ses occupations, toujours très réservé, mais moins dédaigneux que d’habitude.

L’hôtel l’avait impressionné.

Le quartier tout neuf alors, ce luxe de tapis et de fleurs qui commençait à l’escalier orné de plantes vertes pour finir au petit boudoir parfumé de lilas blanc, le salon banal comme un salon de dentiste avec un ciel bleu encadré de boiseries dorées, le meuble noir capitonné de jaune, et le balcon où la poussière du boulevard voltigeait mêlée au plâtre des construc-