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Page:Daudet - Jack, I.djvu/188

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déplacés, dépareillés et encore neufs. Les visiteurs ouvraient les tiroirs vides, donnaient de petites tapes sur le bois des bahuts, le cuir tendu des chaises, lorgnaient autour d’eux d’un air impertinent, et quelquefois, en passant devant le piano, une dame élégante, sans s’arrêter ni se déganter, faisait sonner les notes. L’enfant croyait rêver en voyant sa maison envahie par cette cohue où il ne reconnaissait personne, où il passait inaperçu comme n’importe quel étranger.

Et sa mère, où était-elle ?

Il essaya d’entrer dans le salon ; mais la foule s’y pressait, regardant quelque chose au fond de la pièce, et Jack, trop petit pour pouvoir rien distinguer, entendait seulement crier des chiffres et les petits coups secs d’un marteau frappant sur une table.

« Un lit d’enfant à baldaquin, doré et capitonné !… »

Jack vit passer près de lui, entre de grosses pattes noires, le petit lit que « bon ami » lui avait donné et où il avait fait ses plus jolis rêves. Il voulait crier : « Mais il est à moi, ce lit. Je ne veux pas qu’on l’emporte… » Une honte le retint ; et il était là, stupide, errant, éperdu, cherchant sa mère de pièce en pièce, dans la confusion de cet appartement tout grand ouvert où entraient le tumulte du boulevard et sa lumière éblouissante, quand il se sentit arrêter par le bras au passage :

— Comment ! monsieur Jack, vous n’êtes donc plus à la pension ?