Page:Daudet - Jack, I.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ma foi ! tant pis. On n’a pas le droit de lui cacher où est sa mère, à cet enfant.

Alors elle raconta au petit Jack que madame habitait aux environs de Paris un village qu’on appelait Étiolles. L’enfant se fit répéter ce nom plusieurs fois, Étiolles… Étiolles… et le fixa ainsi dans sa mémoire.

— Est-ce que c’est bien loin d’ici ? demanda-t-il négligemment.

— Huit bonnes lieues, répondit Augustin.

Mais la Picarde, qui avait servi dans les temps du côté de Corbeil, chicana de quelques kilomètres. Il s’ensuivit une longue discussion sur la route à prendre pour aller à Étiolles, et Jack écouta avec la plus grande attention, car il était déjà décidé à faire tout seul et à pied ce long voyage. On passait par Bercy, Charenton, Villeneuve-Saint-Georges ; là, on tournait sur la droite, et lâchant la route de Lyon pour prendre celle de Corbeil, on longeait la Seine et la forêt de Sénart jusqu’à Étiolles.

— C’est bien ça, disait Constant… C’est tout au bord d’un bois que madame habite… Une jolie petite maison où il y a du latin sur la porte.

Jack ouvrait ses oreilles tant qu’il pouvait, essayait de retenir tous ces noms, surtout celui du côté de Paris par lequel il devait sortir, Bercy, et celui du pays où il se rendait, Étiolles. Cela faisait dans son esprit deux points lumineux entre lesquels s’allongeait une grande course dans le noir et l’incertain.