Page:Daudet - Jack, I.djvu/205

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— Où allez-vous ? demande la casquette.

L’enfant cherche une minute ; comme tous les fugitifs qui craignent une poursuite, il cache soigneusement le but de son voyage.

— À Villeneuve-Saint-Georges, répond-il au hasard.

— Eh bien ! montez.

Le voilà dans la voiture, entortillé d’une bonne couverture de voyage, entre un gros monsieur et une forte dame qui regardent curieusement à la lanterne du cabriolet ce petit collégien ramassé sur la route. Où donc va-t-il si tard, bon Dieu, et tout seul ? Jack aurait bien envie de dire la vérité. Il y a dans le voisinage des braves gens une communication confiante. Mais non ! Il a trop peur qu’on le ramène au Moronval. Alors il raconte une histoire… Sa mère, très-malade à la campagne, chez des amis… On l’a prévenu dans la soirée, et il est parti tout de suite, à pied, parce qu’il n’avait pas la patience d’attendre le train du lendemain.

— Je comprends ça, dit la dame, qui a l’air d’une bonne et naïve personne ; et la casquette à oreillons comprend ça, elle aussi. Seulement elle fait des observations pleines de sagesse sur l’imprudence qu’il y a pour un enfant de cet âge à courir les routes à une pareille heure. Les dangers sont de toutes sortes, et la casquette un peu doctorale — elle est si commode et si chaude — prend plaisir à les énumérer à son jeune