Page:Daudet - Jack, I.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelles épingles mal attachées et piquantes ils arrivaient à composer une famille.

Que de fois, vers le milieu du jour, son cheval retenu par la bride à l’anneau de la palissade, le bonhomme s’attardait chez les Parisiens à siroter le grog que Charlotte lui préparait elle-même et à raconter ses voyages dans l’Indo-Chine à bord de la Bayonnaise. Jack restait là dans un coin, attentif, silencieux, pris de cette passion d’aventures que tous les enfants ont en eux et que la vie vient sitôt mater, hélas ! avec son nivellement monotone et ses rétrécissements graduels d’horizons.

— Jack, disait brutalement d’Argenton en lui montrant la porte.

Mais le docteur intervenait :

— Laissez-le donc. C’est si amusant d’avoir des petits autour de soi. Ils ont un flair étonnant, ces mâtins-là. Je suis sûr que le vôtre a deviné, rien qu’à me voir, que j’aime les enfants à la folie et que je suis un grand-papa.

Alors il parlait de sa petite-fille Cécile, qui avait deux ans de moins que Jack ; et quand il entamait le chapitre des perfections de Cécile, il était encore plus prolixe qu’en racontant ses voyages.

— Pourquoi ne nous l’amenez-vous pas ici, docteur ? disait Charlotte. Ils s’amuseraient si bien tous deux.

— Oh ! non, madame. La grand’mère ne voudrait