Page:Daudet - Jack, I.djvu/267

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pas encore, et qu’il a fallu pour le produire notre dix-neuvième siècle, surchauffé, troublant, trop plein d’idées.

La maladie de d’Argenton faisait l’objet de la discussion, et c’était curieux de voir l’expression singulièrement comique du poëte, qui trouvait d’une part que le docteur Rivals le traitait trop en malade imaginaire, et, d’autre part, ne pouvait retenir une grimace en écoutant l’épouvantable nomenclature de maux compliqués dont le docteur Hirsch le prétendait atteint.

— Finissons-en, dit celui-ci en se levant tout à coup. Donnez-moi une feuille de papier, un crayon… bien… Maintenant, je vais, à l’aide du plessimètre, vous dessiner, vous décalquer la maladie de notre pauvre ami.

Il tira de son vaste gilet cette petite plaquette en buis qu’on appelle un plessimètre.

— Viens ici, dit-il à d’Argenton tout pâle ; et lui ouvrant brusquement sa redingote, il étendit la feuille de papier dans toute la largeur de la poitrine, promena son plessimètre dessus en auscultant et traçant à mesure des lignes avec son crayon. Ensuite il étala sur la table son papier chargé d’hiéroglyphes comme une carte géographique dessinée par un enfant.

— Je vous fais juges, dit-il. Ceci est le foie de notre ami, exactement dessiné d’après nature. Est-ce que ça a l’air d’un foie, bien franchement ? Voilà où il devrait être, et voilà où il est… Et remarquez que les