d’or, et des tabatières, et des médailles. Eh bien, tous ces souvenirs ont beau être précieux pour moi, il n’y en a pas un qui vaille celui-ci.
Retroussant jusqu’à l’épaule la manche de sa chemise, sur son bras énorme et velu comme une patte d’ours, le chanteur montrait un grand tatouage rouge et bleu, représentant deux marteaux de forge croisés dans un cercle de feuilles de chêne, avec une inscription en guirlande : Travail et liberté. De loin, cela ressemblait aux suites ineffaçables d’un énorme coup de poing ; et le malheureux ne disait pas que ce tatouage, qui avait résisté à toutes les frictions, à toutes les pommades, faisait le désespoir de sa vie théâtrale, parce qu’il lui interdisait les effets de biceps, l’empêchait de relever ses manches pour jouer la Muette, Herculanum, tous les héros des pays de soleil renvoyant de leurs deux bras nus les draperies écartées sur leurs poitrines de vainqueurs.
N’ayant pu effacer son tatouage, Labassindre le portait, l’étalait, le brandissait comme un drapeau. Ah ! maudit soit le directeur de Nantes qui était venu l’entendre à l’usine un soir qu’il chantait pour un camarade blessé. Maudite aussi la note incomparable que la nature lui avait mise dans le gosier. Si on ne l’avait pas détourné de sa vraie route, à cette heure, il serait là-bas, comme son frère Roudic, chef d’atelier aux forges d’Indret, avec des appointements superbes,