Page:Daudet - Jack, I.djvu/31

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face, de ne pas garder longtemps une impression quelconque. Chose singulière, les larmes qu’elle venait de verser n’avaient fait que lui donner plus d’éclat encore et de jeunesse, comme une ondée glissant sur le plumage des tourterelles le lustre et l’éclaircit sans seulement le pénétrer.

— Où sommes-nous donc ? dit-elle tout à coup en abaissant la glace pleine de buée… Déjà la Madeleine… Comme nous sommes venus vite… Tiens ! si nous nous arrêtions chez chose… tu sais, le fameux pâtissier… Allons, essuie tes yeux, petit bêta… Je vais te payer des meringues.

Ils descendirent à la pâtisserie espagnole, très à la mode à ce moment-là.

Il y avait foule.

Les étoffes, les fourrures se frôlaient, se pressaient avec une hâte d’appétit, et les figures de femmes, le voile relevé à la hauteur des yeux, se reflétaient aux miroirs de la boutique entourés d’or et de moulures couleur de crème, parmi toutes sortes de reflets joyeux, le blanc laiteux des soucoupes, le cristal des verres, la variété des confiseries.

Madame de Barancy et son enfant furent très regardés. Cela la charma. Ce petit succès, joint à la crise de tout à l’heure, lui fit dévorer une quantité de meringues, de nougats, le tout arrosé d’un doigt de vin d’Espagne. Jack l’imitait, mais avec plus de modération, son gros chagrin de tantôt ayant empli son petit cœur