Page:Daudet - Jack, I.djvu/318

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grave et rayonnant, grave parce qu’il se sentait dans l’accomplissement d’une fonction humanitaire, sociale ; rayonnant, parce que ce départ le comblait de joie. Charlotte embrassait Jack, l’embrassait encore, voyait si rien ne lui manquait.

Non, rien ne lui manquait. Il était même trop bien mis pour un ouvrier, étriqué dans son costume du pain bénit, avec cette fatalité des êtres qui grandissent vite, condamnés pendant leur adolescence à la gêne des vêtements trop courts.

— Vous en aurez bien soin, monsieur Labassindre ?

— Comme de ma note, madame.

— Jack !

— Maman !

Il y eut une dernière étreinte. Charlotte sanglotait. L’enfant, lui, ne laissait pas voir son émotion. La pensée qu’il allait travailler pour sa mère le rendait fort, ce vieux Jack. Au bas du chemin, il se retourna pour voir encore une fois et emporter au fond de son regard le bois, la maison, l’enclos, ce visage de femme qui lui souriait parmi ses pleurs.

— Écris-nous souvent, mon Jack, cria la mère.

Et le poëte avec solennité :

— Jack, souviens-toi. La vie n’est pas un roman.

La vie n’est pas un roman ; mais elle en était bien un pour lui, le misérable !

Il n’y avait qu’à le voir au seuil de sa petite maison à devise, appuyé sur sa Charlotte, au milieu des