Page:Daudet - Jack, I.djvu/342

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les murs conservaient sa chaleur, concentrée, étouffante. Une fenêtre en tabatière, très étroite, laissant toujours le désir de l’air, s’ouvrait à même le toit. Certes, le dortoir du gymnase Moronval avait préparé le vieux Jack à d’étranges domiciles, mais au moins là-bas ils étaient plusieurs pour supporter toutes ces misères. Ici, il n’avait ni Mâdou, — pauvre Mâdou ! — ni personne. C’était bien la solitude de la mansarde qui n’ouvre que sur le ciel, perdue dans le bleu comme une petite barque en pleine mer.

L’enfant regardait ce plafond en pente où son front s’était déjà heurté, une image d’Épinal attachée au mur par quatre épingles ; il regardait aussi le costume étalé sur son lit, préparé pour l’apprentissage du lendemain : le large pantalon de toile bleue qu’on appelle « salopette » et le bourgeron piqué aux épaules de ces gros points de couture qui doivent résister à tous les efforts des bras en mouvement. Cela s’affaissait sur la couverture avec des plis de fatigue, d’abandon, comme si quelqu’un de très harassé s’était étendu là, au hasard de la lassitude des membres.

Jack pensait : « Me voilà. C’est moi, ça, » et pendant qu’il se contemplait ainsi tristement, du jardin montait vers lui le bruit confus des conversations d’après boire mêlé à une discussion très vive engagée dans la chambre au-dessous entre Zénaïde et sa belle-mère.

On ne distinguait pas très bien la voix de la jeune