Page:Daudet - Jack, I.djvu/363

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en écoutant cette histoire d’amour. Sans voir que sa belle-mère pleurait, Zénaïde, le récit fini, parla la première :

— Voilà une méchante et impudente femme, dit-elle indignée, d’oser ainsi raconter son crime et de s’en vanter.

— C’est vrai qu’elle était bien coupable, répondit Clarisse, mais bien malheureuse aussi.

— Malheureuse, elle !… Ne dites donc pas ça, maman… On croirait que vous la plaignez cette Francesca qui aimait le frère de son mari.

— Oui, ma fille, mais elle l’aimait avant son mariage, et on lui avait fait épouser par force un mari dont elle ne voulait pas.

— Par force ou non, du moment qu’elle l’avait épousé, elle devait lui être fidèle. Le livre dit qu’il était vieux ; mais il me semble à moi que c’était une raison pour le respecter davantage, empêcher les autres, dans le pays, de rire de lui. Tenez ! le vieux a bien fait de les tuer tous les deux. Ils n’ont eu que ce qu’ils méritaient.

Elle parlait avec une violence terrible, tout son amour de fille, tout son honneur de femme révoltés et aussi avec cette cruelle candeur de la jeunesse qui juge la vie sur un idéal qu’elle s’est fait, sans rien connaître encore ni prévoir.

Clarisse ne répondit pas. Elle avait relevé le rideau et regardait dehors. Roudic, à demi réveillé, rouvrait