Page:Daudet - Jack, I.djvu/369

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fant dans des termes bien pénibles. M. Roudic dit aussi dans sa lettre que l’air des ateliers ne te vaut rien, que tu tousses beaucoup, que tu es pâle et maigre à faire pitié, et qu’on a honte vraiment de te donner quelque chose à faire, tellement, au moindre effort, la sueur te coule du front. En vérité, je ne m’explique pas cette faiblesse chez un être que tout le monde s’accordait à trouver si robuste. Certes, je ne vais pas jusqu’à dire comme les autres qu’il y a beaucoup de paresse là dedans, et surtout ce besoin de se faire plaindre commun à tous les enfants. Moi, je connais mon Jack et je sais qu’il est incapable de toute supercherie. Seulement j’imagine qu’il fait des imprudences, qu’il sort le soir sans se couvrir, qu’il oublie de fermer sa fenêtre ou de mettre à son cou le foulard que je lui ai envoyé. C’est un grand tort que tu as, mon enfant. Avant tout il faut soigner sa santé. Songe que tu as besoin de toute ta force pour mener ton œuvre au bout. Porte-toi bien, tu travailleras bien.

« Je conviens que le travail que tu fais ne doit pas être toujours commode, et qu’il serait plus agréable de courir la forêt avec le garde ; mais tu te rappelles ce que M. d’Argenton te disait : « La vie n’est pas un roman. » Il en sait quelque chose, le pauvre cher ami, car la vie se montre bien dure pour lui, et son métier est autrement terrible encore que le tien.

« Si tu savais à quelles basses jalousies, à quelles sourdes conspirations ce grand poëte est en butte. On