Page:Daudet - Jack, I.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

générosité et de grandeur au fond de cette nature. Adieu, mon chéri. Je finis ma lettre que la mère Archambauld va mettre à la poste en s’en allant. Je crains bien que nous ne la gardions pas longtemps cette brave femme. M. d’Argenton s’en méfie. Il la croit payée par ses ennemis pour lui voler ses sujets de livres et de pièces. Il paraît que ça s’est déjà vu. Je t’embrasse et je t’aime, mon Jack bien-aimé · · · · · · · · Tous ces petits points, ce sont des baisers à ton adresse. »

Derrière les pages nombreuses de cette lettre, Jack reconnut distinctement deux visages, celui de d’Argenton doctoral et dictant, puis celui de sa mère, de sa mère rendue à elle-même, et qui de loin l’étreignait, l’enveloppait de ses câlineries. Comme on la sentait opprimée, la pauvre femme ; quel étouffement de toute sa nature expansive ! L’imagination des enfants traduisant volontiers leurs pensées avec des images, il semblait à Jack, en lisant, que son Ida — elle s’appelait toujours Ida pour lui — enfermée dans la tourelle de Parva domus, lui faisait des signes de détresse, l’appelait à l’aide comme un sauveur.

Oh ! oui, il allait travailler, vaincre ses répugnances, devenir un bon ouvrier, peinant ferme et gagnant bien sa vie, pour tirer sa mère de là, l’arracher à cette tyrannie. Et d’abord, il enferma tous ses livres, poëtes, historiens, philosophes, dans la caisse de M. Rivals, qu’il cloua de peur des tentations. Il ne voulait plus