Page:Daudet - Jack, I.djvu/402

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montra une cassette enfouie dans toutes ces toiles blanches comme si elle eût été la mariée.

— Savez-vous ce qu’il y a là-dedans ?… Ma dot.

Elle disait cela avec fierté.

— Ma dot chérie, ma jolie petite dot, qui me vaudra dans quinze jours de m’appeler madame Mangin. Il y en a de l’argent, là-dedans, allez, et des pièces de toutes sortes : des blanches, des jaunes. Hein ! croyez-vous que papa Roudic m’a faite riche ! Tout ça, c’est pour moi, c’est pour mon petit Mangin. Oh ! quand j’y pense, j’ai envie de rire et de pleurer tout ensemble, et puis de danser aussi.

Dans une explosion de joie comique, la grosse fille pinçant sa jupe de chaque côté et l’écartant les doigts en l’air, commençait à exécuter une lourde bourrée devant cette bienheureuse cassette à laquelle elle devait son bonheur, quand un coup frappé à la muraille l’interrompit subitement.

— Voyons, Zénaïde, laisse-le donc aller se coucher, cet enfant. Tu sais bien qu’il faut qu’il se lève de bonne heure.

C’était la voix de Clarisse qui parlait très irritée cette fois, toute changée. Un peu honteuse, la future madame Mangin ferma son bahut, on se dit bonsoir à voix basse, Jack appliqua son échelle à la soupente, et cinq minutes après, la petite maison engourdie sous la neige, bercée par le vent, paraissait dormir comme ses voisines dans le silence et le calme de la nuit.