dans la maison, où tous les deux se rendaient utiles en donnant des leçons. Mais Moronval avait gardé de sa misère des habitudes de flâne, de café, et toute une suite de bohèmes qui envahirent le paisible et honnête pensionnat. En outre, le mulâtre menait ses élèves comme il aurait conduit une exploitation de cannes à sucre. Les vieilles demoiselles Decostère, qui adoraient leur sœur, furent pourtant forcées d’éloigner le ménage en l’indemnisant d’une trentaine de mille francs.
Que faire de cet argent ?
Moronval eut d’abord envie de fonder un journal, une revue ; mais la peur de croquer son magot l’emporta chez lui sur la joie de s’imprimer tout vif.
Avant tout, il lui fallait un moyen sûr de s’enrichir, et c’est en le cherchant qu’une idée de génie lui arriva un jour.
Il savait qu’on envoie les enfants des pays les plus lointains faire leur éducation à Paris. Il en vient de la Perse, il en vient du Japon, de l’Indoustan, de la Guinée, confiés à des capitaines de navire ou à des commerçants qui leur servent de correspondants.
Tout ce petit monde étant en général bien pourvu d’argent et assez novice sur la manière de l’employer, Moronval comprit qu’il y avait là une mine facile à exploiter. De plus, le système de madame Moronval-Decostère pouvait s’appliquer parfaitement à corriger toutes sortes d’accents étrangers, de prononciations défectueuses. Le mulâtre eut recours à quelques re-