— C’est bon soupirer quand on a chagrin, fit le négrillon, et il ajouta d’un ton sentencieux :
— Si pauvre monde avait pas soupir, pauvre monde étouffer bien sûr.
En parlant, il étalait une couverture sur le lit voisin de celui de Jack.
— C’est là que vous couchez ?… demanda celui-ci, très étonné qu’un domestique occupât le dortoir des élèves… Mais il n’y a pas de draps ?
— C’est pas bon pour moi, les draps… Moi la peau trop noire…
Le nègre fit cette réponse en riant doucement, et il se préparait à se glisser dans son lit, à demi vêtu pour avoir moins froid, quand tout à coup il s’arrêta, prit sur sa poitrine une cassolette en ivoire sculpté, et se mit à l’embrasser dévotement.
— Oh ! la drôle de médaille ! dit Jack.
— Pas médaille, fit le nègre. C’est mon gri-gri.
Mais Jack ne savait pas ce que c’était qu’un « gri-gri, » et l’autre lui expliqua qu’on appelait ainsi une amulette, quelque chose pour porter bonheur. Sa tante Kérika lui avait fait ce cadeau avant son départ du pays, sa tante qui l’avait élevé et qu’il espérait bien aller rejoindre un jour prochain.
— Comme moi maman, fit le petit Barancy.
Et il y eut un moment de silence, chacun des enfants pensant à sa Kérika.
Jack reprit au bout d’un instant :