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Page:Daudet - Jack, I.djvu/79

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Tout à coup, il s’élança pour souffler la lanterne.

— Pas content, moucié Moronval, quand Mâdou laisser lumière…

Puis il rapprocha sa couchette de celle de Jack.

— Toi pas sommeil, lui dit-il. Moi jamais sommeil quand parler Dahomey… Écoute.

Et dans l’ombre, où ses yeux blancs luisaient, le petit nègre commença sa lugubre histoire…

Il s’appelait Mâdou, du nom de son père, l’illustre guerrier Rack-Mâdou Ghézô, un des plus puissants souverains des pays de l’or et de l’ivoire, à qui la France, la Hollande, l’Angleterre envoyaient des présents, là-bas, de l’autre côté de la mer.

Son père avait de gros canons, des milliers de soldats munis de fusils et de flèches, des troupeaux d’éléphants dressés pour la guerre, des musiciens, des prêtres, des danseuses, quatre régiments d’amazones et deux cents femmes pour lui tout seul. Son palais était immense, orné de fers de lance, de broderies en coquillages et de têtes coupées qu’on accrochait à la façade après la bataille ou les sacrifices. Mâdou avait été élevé dans ce palais, où le soleil entrait de tous côtés, chauffant les dalles et les nattes étendues. Sa tante Kérika, générale en chef des amazones, prenait soin de lui et, tout petit, l’emportait avec elle dans ses expéditions.

Qu’elle était belle, Kérika, grande et forte comme un homme, en tunique bleue, les jambes et les