Page:Daudet - Jack, II.djvu/129

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glot, retentit dans l’escalier, où une grande ombre monte, se traîne en s’appuyant au mur.

— Qui est là ?… crie-t-elle toute tremblante, animée d’un espoir fou, et qui l’empêche d’avoir peur.

— C’est moi, maman… Oh ! je te vois bien… répond une voix enrouée et bien faible.

Elle descend vite quelques marches. C’est lui, c’est son Jack, ce grand ouvrier blessé qui s’appuie sur deux béquilles, si défaillant, si ému à l’idée de revoir sa mère qu’il a dû s’arrêter au milieu de l’escalier avec un appel de détresse. Voilà ce qu’elle a fait de son enfant.

Pas un mot, pas un cri, pas même une caresse. Ils sont là tous deux en face l’un de l’autre ; et ils pleurent en se regardant.

Il y a des fatalités de ridicule qui s’attachent à certains êtres, rendent inutiles ou fausses toutes leurs manifestations. Il était dit que d’Argenton, roi des Ratés, raterait tous ses effets. Quand il rentra ce soir-là, il avait résolu, après en avoir longuement conféré avec ses amis, d’annoncer la fatale nouvelle à Charlotte, pour en finir tout de suite, et de soutenir ce premier assaut à l’aide de quelques phrases solennelles indiquées par la circonstance. Rien que la façon dont il tourna la clef dans la serrure annonçait la gravité de ce qu’il allait dire. Mais quelle ne fut pas sa surprise de trouver, à cette heure indue, le salon encore