Page:Daudet - Jack, II.djvu/140

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Au bout de huit jours, le garçon de bureau fut déclaré incapable.

— Il ne nous sert à rien ; bien loin d’aider, c’est plutôt un dérangement pour tout le monde.

— Mais mon ami, je t’assure qu’il fait tout ce qu’il peut.

Elle se sentait plus courageuse à le défendre depuis la grande terreur qu’elle avait eue.

— Enfin, qu’est-ce que tu veux ? Je te dis qu’il me gêne. Comment t’expliquer cela ? Il n’est pas dans son milieu avec nous. Il ne sait ni parler ni s’asseoir. Tu ne vois pas comme il se tient à dîner, les jambes écartées, toujours à une lieue de la table, comme il s’endort dans son assiette… Et puis ce grand garçon constamment à tes côtés, ça te vieillit, ma chère… En outre, il a des habitudes déplorables. Il boit, je te dis qu’il boit. Il nous apporte ici des odeurs de cabaret. C’est l’ouvrier, quoi !

Elle baissa la tête et pleura. Elle s’en était aperçue qu’il buvait, mais à qui la faute ? Ne l’avaient-ils pas eux-mêmes jeté au gouffre ?

— Voyons, Charlotte, j’ai une idée. Puisqu’il est encore trop faible pour se remettre au travail, envoyons-le se rétablir à Étiolles. Il passera quelque temps à la campagne, au bon air, et nous aidera peut-être à sous-louer « parva domus » qui nous est restée sur le dos avec un bail de dix ans. Nous lui enver-