Page:Daudet - Jack, II.djvu/174

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— Oh ! monsieur Rivals, que me dites-vous là ?… Qu’est-ce que j’ai fait, mon Dieu, mon Dieu, pour mériter une pareille injure ?

Cette dernière question amena naturellement un déluge de larmes, que le docteur sécha aussitôt avec quelques bonnes paroles ; puis Charlotte, rassérénée, monta voir son Djack en train de lire tout seul dans la pharmacie. Elle le trouva embelli, changé, comme s’il eût dépouillé quelque grossière enveloppe, mais épuisé, alangui par l’effort de sa transformation. Elle était très émue. Lui pâlit en la voyant entrer :

— Tu viens me chercher ?

— Mais non… mais non… Tu es trop bien ici, et ce bon docteur qui t’aime tant, que dirait-il si je t’emmenais ?

Pour la première fois de sa vie, Jack pensait qu’on pouvait être heureux loin de sa mère, et le chagrin de partir lui aurait certainement occasionné une rechute. Ils restèrent seuls un moment à causer. Charlotte se laissa aller à quelques confidences. Elle n’avait pas l’air très contente : « Vois-tu, mon enfant, c’est trop d’agitation vraiment cette vie littéraire. Nous avons maintenant de grandes fêtes tous les mois. Tous les quinze jours des lectures… Ça me donne un tracas… Ma pauvre tête, qui n’est déjà pas bien forte, je ne sais pas comment elle résiste. Le prince japonais de M. Moronval a fait un grand poëme, dans sa langue, bien entendu… Voilà qu’IL s’est mis dans l’idée de traduire