Page:Daudet - Jack, II.djvu/191

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femme elle-même finissait par partager la joie et la confiance de tous.

La fin de l’hiver se passa en pourparlers, en correspondances continuelles. Les papiers du comte étaient longs à venir, les parents refusaient tout consentement, et pendant ce temps les liens se resserraient de plus en plus, l’intimité croissait, tellement que je me disais avec inquiétude : « Et si les papiers n’arrivaient pas… » Nous les reçûmes enfin ; un paquet d’hiéroglyphes serrés, impossibles à déchiffrer, extraits de naissance, de baptême, de libération du service militaire. Ce qui nous amusa, ce fut une page remplie par les titres, noms et prénoms du futur, Ivanovitch Nicolavitch Stéphanovitch, toute une généalogie qui allongeait le nom de famille à chaque génération. — Vraiment, vous avez tant de noms que cela ? lui disait en riant ma pauvre fille, qui s’appelait tout court Madeleine Rivals. Ah ! le gueux, il en avait bien d’autres encore.

Il fut d’abord question de faire le mariage à Paris en grande pompe, à Saint-Thomas-d’Aquin ; mais Nadine réfléchit qu’il ne fallait pas braver à ce point l’autorité paternelle, et la cérémonie eut lieu simplement à Étiolles dans cette petite église que tu connais et qui garde sur ses registres la preuve d’un irréparable mensonge. Quelle belle journée ! Que j’étais content ! Il faut être père, vois-tu, pour comprendre ces choses. Ma fierté, en entrant dans cette église avec ma fille