Page:Daudet - Jack, II.djvu/211

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car je suis à mon compte, maintenant, et j’ai un grand logement où vous coucherez ce soir… Mais si… mais si… J’ai même quelque chose de fameux à vous proposer… Mais nous causerons de cela en dînant… Allons, en route.

Et les voilà tous les trois, Jack, le camelot et le petit de madame Weber, dont les souliers neufs menaient grand train sur le trottoir, remontant le faubourg du côté de Ménilmontant, où Bélisaire habitait rue des Panoyaux. Dans le trajet, il racontait à Jack que sa sœur de Nantes étant devenue veuve, il était rentré à Paris avec elle, qu’il ne faisait plus la province, que d’ailleurs le commerce n’allait pas mal… Et de temps en temps, au milieu de son histoire, il s’interrompait pour jeter son cri de Chapeaux, chapeaux, chapeaux sur ce parcours habituel où il était connu de toutes les fabriques. Avant la fin de la route, il fut obligé de prendre dans ses bras le petit de madame Weber qui se plaignait doucement.

— Pauvre petit ! disait Bélisaire, il n’a pas l’habitude de marcher. Il ne sort jamais, et c’est pour pouvoir l’emmener quelquefois avec moi que je viens de lui faire faire cette belle paire de souliers sur mesure… La mère est dehors toute la journée. Elle est porteuse de pain de son métier. Un métier bien fatigant, allez ! et une brave femme bien courageuse… Elle part le matin à cinq heures, porte son pain jusqu’à midi, revient manger un morceau, puis repart jusqu’au soir