Page:Daudet - Jack, II.djvu/221

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et ce but à ses efforts, à ses peines lui rendait le chemin facile.

Son nouvel atelier de la rue Oberkampf lui rappela Indret avec moins de grandeur. Ici, comme la place manquait, on avait superposé dans la même salle trois étages d’établis et de machines. Jack fut placé tout en haut sous un vitrage où tous les bruits de l’atelier, sa buée, sa poussière montaient en se confondant. Quand il s’appuyait à la rampe bordant une espèce de galerie où il travaillait, il apercevait un terrible outillage humain toujours en mouvement, les forgerons à leurs feux, les mécaniciens à leurs pièces, et en bas, vêtues de blouses qui leur donnaient l’aspect de jeunes apprentis, un certain nombre d’ouvrières occupées à des travaux de détail.

La chaleur était suffocante, d’autant plus qu’on ne sentait pas comme à Indret l’espace et le vent de mer autour des halles surchauffées, mais qu’on savait au contraire l’immense bâtiment resserré entre d’autres fabriques, aligné sur la rue, fenêtre à fenêtre, avec d’autres métiers fatigants. N’importe, désormais Jack était assez aguerri à la peine pour tout supporter ; il se sentait élevé au-dessus des difficultés et des chagrins de sa condition, autant qu’à l’atelier il dominait la foule des travailleurs dont l’effort arrivait à ses oreilles dans une sonorité de cathédrale. Il se considérait là comme de passage, faisant sa besogne en conscience, mais la pensée toujours ailleurs.