Page:Daudet - Jack, II.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont le mouvement lui faisait mal au cœur et l’étourdissait tout à fait.

… Une sensation de fraîcheur sur le front le rendit à lui-même. Il était assis au bord de la Loire. Comment se trouvait-il là, à côté de ce matelot qui lui mouillait les tempes ? Ses yeux, péniblement rouverts, papillotèrent au grand jour ; ensuite il aperçut, en face de lui, la fumée de l’usine, et, tout près, un pêcheur debout dans son bateau, hissant la voile et se préparant au départ.

— Eh bien ! ça va-t-il un peu mieux ? dit le novice en tordant son mouchoir.

— Mais oui, très bien, répondit Jack en grelottant, la tête lourde.

— Alors, embarque !

— Comment ? fit l’apprenti très étonné.

— Mais oui. Nous allons à Nantes. Tu ne te rappelles donc pas que tu as loué un bateau à ce marinier, tout à l’heure, au cabaret. Voilà Gascogne qui revient avec les provisions.

— Les provisions !

— Tiens, ma vieille, je te rends ta monnaie, dit le forgeron chargé d’un grand panier d’où sortaient le chanteau d’un pain et les goulots de bouteilles… Allons, hop ! En route, garçons. Le vent est bon. Dans une heure nous serons à Nantes ; et c’est là qu’on en tirera une vraie bordée.

Jack eut alors, pendant une minute, une vision très