Page:Daudet - Jack, II.djvu/260

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— Vous êtes donc ici, vous, maintenant ?… Voyons, qu’est-ce que vous allez me donner ?

Elle riait haut, levait ses bras nus sous la manche ouverte pour avoir les mains plus blanches, secouait ses bracelets en se regardant dans la glace en face d’elle, envoyait du bout des doigts un bonjour à son fils. Ensuite elle demandait un tabouret, de l’eau de Seltz, de la glace, comme quelqu’un qui sait à fond les ressources du restaurant. Pendant qu’elle parlait, un silence profond régnait autour de la table ainsi qu’au début du repas. À part les jeunes Bélisaire absorbés dans la contemplation des bracelets d’Ida que leurs regards luisants essayaient comme des pierres de touche, chacun avait retrouvé cet embarras de parler, de se mouvoir, causé d’abord par les garçons. Jack, lui non plus, n’était pas disposé à animer la fête. Toutes ces cérémonies de mariage le faisaient rêver d’amour et d’avenir, et ce qui l’entourait ne l’intéressait guère.

— Ah çà, mais ce n’est pas gai ici !… dit tout à coup Ida de Barancy, quand elle eut bien joui de son facile triomphe… Allons, mon petit Bel, un peu d’entrain, que diable ! D’abord, attendez donc…

Elle se leva, prit son assiette d’une main, son verre de l’autre : « Je demande à changer de place avec madame Bélisaire… Je suis sûre que son mari ne s’en plaindra pas. »

Ce fut fait avec tant de grâce, de condescendance, cette proposition remplit Bélisaire d’une joie si com-