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Page:Daudet - Jack, II.djvu/271

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petite niche que Bélisaire occupait avant son mariage. Il n’avait pas le vin méchant, et sous cette barbe touffue, malpropre et barricadière, cachait un visage d’enfant vicieux et faible. Quand il était parti : — Allons, disait le camelot en avançant ses bonnes grosses lèvres, allons, donne-lui tout de même un peu de soupe.

— Oh ! je sais bien… toi, si on t’écoutait…

— Seulement pour une fois… Allons.

La femme résistait encore un moment avec cette indignation que la femme du peuple qui travaille comme un homme a contre l’homme qui ne fait rien ; mais toujours elle finissait par céder et Bélisaire s’en allait porter triomphalement une platée de soupe au Camarade dans son chenil. Il revenait tout ému.

— Eh bien ! qu’est-ce qu’il a dit ?

— Oh ! tiens, il me fait de la peine tellement il a l’air désolé. Il dit que s’il boit, c’est du chagrin de ne pas trouver d’ouvrage et de nous être toujours sur le dos.

— Qu’est-ce qui l’empêche d’en trouver de l’ouvrage ?

— Il dit qu’on ne veut pas de lui parce qu’il n’a pas des vêtements propres, et que s’il pouvait se requinquer un peu…

— Merci, j’en ai assez de le requinquer… Et sa redingote de la noce que tu lui as fait faire sans me le dire, pourquoi l’a-t-il vendue ?

À cela, il n’y avait pas de réplique. Pourtant ces