Page:Daudet - Jack, II.djvu/289

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— Voilà une tournure que je connais, disait Jack à sa compagne, mais oui… Je ne trompe pas… C’est bien M. Roudic.

Le père Roudic, en effet, mais si vieilli, si affaissé, que l’ancien apprenti d’Indret l’avait reconnu surtout à la fillette qui marchait près de lui, carrée, joufflue, taillée à coups de rabot, une réduction de Zénaïde, tandis qu’il ne manquait au petit garçon qu’un képi de la douane pour ressembler parfaitement à M. Mangin.

— « Tiens ! le petit gas… » dit le bonhomme à Jack qui l’abordait, et il eut un sourire triste qui éclaira sa figure en en montrant tous les ravages. Alors Jack s’aperçut qu’il portait un grand crêpe à son chapeau, et de peur de raviver un récent chagrin, il n’osait lui demander des nouvelles de personne, lorsqu’à un tournant d’allée Zénaïde fit son apparition, plus massive que jamais, à présent qu’elle avait changé sa jupe à gros plis pour une vraie robe et sa coiffe guérandaise pour un chapeau parisien. Un vrai paquet, mais l’air si bon enfant. Elle donnait le bras à M. Mangin, l’ancien brigadier, monté en grade, passé aux douanes de Paris, et dont l’uniforme en drap fin était passementé d’or sur les manches. Comme Zénaïde était fière de ce joli officier, comme elle paraissait l’aimer, son petit Mangin, malgré sa façon de le mener tambour battant, de répondre pour lui à tout propos. Il faut croire d’ailleurs que Mangin aimait à être mené ainsi,