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Page:Daudet - Jack, II.djvu/314

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Mais Cécile était magicienne. Elle connaissait les baumes, les simples, tous ces calmants qui ont des noms de fleurs et qui parfument les guérisons. Elle savait les mots enchantés qui apaisent, les fermes regards qui font revivre, et sa tendresse délicate, ingénieuse, défiait toutes les férocités du destin. Un puissant réconfort aussi, c’était le travail, le travail acharné, cuirasse lourde et gênante, mais qui défend bien contre la douleur. Pendant que sa mère était là, elle l’avait souvent empêché de travailler, sans le savoir, avec sa nature d’oiseau étourdi, ses envolements, et cette volonté en zigzag qui la faisait tout à coup s’apprêter pour sortir, puis se débarrasser de son chapeau et de son châle dans une soudaine décision de rester. Il n’y avait pas jusqu’au soin maladroit qu’elle prenait pour ne pas le déranger qui ne fût un véritable dérangement pour lui. Maintenant qu’elle était partie, il marchait à grands pas et regagnait le temps perdu. Tous les dimanches il allait à Étiolles, un peu plus amoureux et un peu plus savant. Le docteur était ravi des progrès de son élève ; avant un an, en continuant de ce train-là, il serait bachelier et pourrait prendre sa première inscription à l’école de médecine. Ce mot de bachelier faisait sourire Jack de plaisir, et quand il le prononçait devant les Bélisaire dont il était redevenu le Camarade après une frasque nouvelle de Ribarot, la petite mansarde de la rue des Panoyaux en était positivement agrandie et illuminée. Du coup la porteuse de pain, dans son en-