Page:Daudet - Jack, II.djvu/325

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plancher la terre battue, pour meubles un bahut cassé, des escabeaux branlants, le tout éclairé par un grand feu de bois volé, crépitant et rempli de sève. Ici, d’ailleurs, tout sentait le pillage, aussi bien les débris de vieilles boiseries entassées contre les murs, que le fusil posé dans l’angle de la cheminée, avec les panneaux, les piéges et ces immenses traînes que les braconniers jettent en automne sur les champs moissonnés, à la façon des pêcheurs à l’épervier. Sur un grabat, dans un coin sombre, parmi toute cette misère déshonnête, le vieux « quervait. » « Il quervait » de soixante ans de braconnage, d’affûts de nuit dans les fossés, dans la neige, les marécages, de courses ventre à terre devant les chevaux des gendarmes. Une vie de vieux lièvre malfaisant, encore heureux de finir dans son terrier. En entrant, M. Rivals fut suffoqué par une odeur d’aromates brûlés qui dominait toutes les puanteurs du bouge.

— Qu’est-ce que diable on a brûlé ici, mère Salé ?

La vieille se troubla, voulut mentir ; mais il ne lui en laissa pas le temps :

— Il est donc venu chez vous, le voisin, l’empoisonneur ?

M. Rivals ne se trompait pas. Hirsch, en ces derniers temps, était venu essayer sur ce misérable sa sinistre médication des parfums. Les occasions de l’expérimenter devenaient rares pour lui. Les paysans se méfiaient ; en outre, il était obligé de prendre de