Page:Daudet - Jack, II.djvu/365

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à répéter d’une voix rauque, les yeux toujours fixés sur la porte :

— Elle ne viendra pas… elle ne viendra pas…

La sœur essaye de lui dire quelques mots :

— Allons, mon enfant, calmez-vous…

Alors il se dresse, terrible, et pris d’une sorte de délire :

— Je vous dis qu’elle ne voudra pas venir… Vous ne la connaissez pas ; c’est une mauvaise mère… Tout ce qu’il y a eu de tristesse dans ma vie m’est venu d’elle. Mon cœur n’est qu’une plaie de tous les coups qu’elle lui a portés… Quand l’autre a fait semblant d’être malade, elle a couru à lui tout de suite, elle n’a plus voulu le quitter… Moi, je meurs, et elle ne vient pas… Oh ! la méchante, la méchante, la mauvaise mère ! C’est elle qui m’a tué, et elle ne veut pas me voir mourir !

Épuisé par cet effort, Jack laisse retomber sa tête sur l’oreiller, et la religieuse reste penchée vers lui à le consoler, à l’apaiser, pendant que la journée d’hiver, rapide et sombre, finit, s’éteint lugubrement dans un crépuscule jaunâtre chargé de neige.

Charlotte et d’Argenton descendaient de voiture au quai des Augustins. Ils revenaient du concert populaire, en grande tenue, fourrures, gants clairs, velours et dentelles. Elle rayonnait. Pensez qu’elle venait de