Page:Daudet - Jack, II.djvu/46

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pénibles et grotesques, repassa par toutes les pâleurs de son ivresse, toutes les rougeurs de sa honte.

Quand il entra dans la Direction, il était humble, plein de larmes, prêt à se courber pour demander grâce.

Il n’y avait là que le directeur, assis devant la fenêtre dans son grand fauteuil de bureau, et le père Roudic, debout auprès de lui, son petit béret de laine bleue à la main. Les deux surveillants qui avaient amené les criminels restèrent au fond contre la porte, ne quittant pas de l’œil le camelot, malfaiteur dangereux, capable de tous les crimes. Jack, en voyant le contre-maître, avait eu le mouvement presque instinctif d’aller vers lui, la main tendue comme à un ami, à un défenseur naturel ; mais la physionomie du père Roudic avait un air de sévérité, de tristesse surtout, qui le tint à distance pendant tout le temps de son interrogatoire.

— Écoutez-moi, Jack, dit le directeur. Par égard pour votre jeunesse, pour vos parents, pour les bonnes notes que vous avez eues jusqu’à ce jour et, je dois vous le dire, par égard surtout pour l’honneur de la maison d’Indret, j’ai obtenu qu’au lieu de vous conduire à Nantes on vous laissât ici et qu’on attendît quelques jours avant de commencer l’instruction. Ainsi donc, à l’heure qu’il est, tout se passe entre vous, Roudic et moi ; il ne tient qu’à vous que la chose n’aille pas plus loin. On vous demande seulement de rendre ce qui vous reste…