Page:Daudet - Jack, II.djvu/56

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volé. On se trompe. Ce n’est pas moi. Oh ! c’est horrible que tout le monde me croie coupable.

Elle continuait sans l’écouter :

— Mais comprenez donc qu’il ne voudra plus de moi, que c’est fini du mariage de cette pauvre Zénaïde… Jack, mon ami, ne me faites pas cette méchanceté. Vous vous en repentiriez un jour bien sûrement… Au nom de votre mère que vous aimez tant, au nom de cette petite amie que vous avez là-bas, dont vous me parliez toujours, — qui sait ? ce sera peut-être votre promise plus tard, car ces amitiés entre tout petits vous mènent loin quelquefois, — eh bien ! c’est en son nom que je vous demande cette chose. Oh ! mon Dieu, vous dites non encore. Comment faut-il donc vous supplier ?… Tenez ! à deux genoux et les mains jointes, comme devant sainte Anne.

Agenouillée près de la pierre où l’apprenti était assis, elle recommençait à pleurer avec des étouffements, des suffocations, toutes les résistances que trouvent les larmes dans ces natures robustes fermées d’habitude aux manifestations extérieures. Le désespoir alors ressemble à une explosion ; venu des profondeurs, il effraye, il brûle comme une lave, se répand avec une force inconnue. Ainsi affaissée dans les plis de son costume rustique, sa coiffe blanche prosternée en une attitude de supplication fervente, Zénaïde était bien l’image de ces grands désespoirs, de ces mornes prières