Page:Daudet - Jack, II.djvu/74

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les jeunes détenus et remonta sur le chemin, chargé de livraisons. La grille du château venait de se fermer. La voiture descendait l’avenue.

Enfin !…

Charlotte, épanouie, heureuse, les yeux brillants, avait hâte de rejoindre son poëte.

— Monte vite, lui dit-elle.

Elle passa son bras sous le sien, et, toute frémissante de joie :

— J’ai réussi.

— Ah ! fit-il.

— Au delà de mes espérances.

Il répéta son « ah ! » très sec, très indifférent, puis affecta de feuilleter ses brochures avec le plus grand intérêt, comme pour bien lui prouver que le reste ne le regardait pas. Il n’était pas si fier tout à l’heure lorsqu’il rongeait ses ongles en guettant la grille fermée ; mais maintenant elle se serrait si bien contre lui, asservie et soumise, que ce n’était vraiment plus la peine de se tourmenter. Devant son silence, Charlotte se tut, elle aussi, le croyant blessé dans ses fiertés jalouses ; et ce fut lui qui fut obligé de reprendre :

— Alors, tu as réussi ?

— Complétement mon ami… On avait toujours eu l’intention de faire un cadeau à Jack à sa majorité pour lui acheter un homme et lui permettre de s’établir. Ce cadeau était de dix mille francs. On me les a remis tout de suite. Il y aura six mille francs à rem-