Page:Daudet - Jack, II.djvu/91

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comme toujours un mérite de ce changement, et disait :

— Je l’ai maté.

Cette pensée, jointe à l’accueil si empressé des Roudic, achevait de le mettre de bonne humeur.

Vraiment vous auriez vu le poëte et l’apprenti descendre bras dessus bras dessous les rues d’Indret, se promener en causant sur la levée de la Loire, vous les eussiez pris pour deux amis véritables. Jack était si heureux de parler de sa mère, de demander des nouvelles, des détails, de respirer, pour ainsi dire, sa présence sur les traits de celui qu’elle aimait tant. Ah ! s’il avait su qu’elle était si près de lui et que, depuis une heure, d’Argenton, combattu par un reste de pitié et son égoïsme jaloux, se demandait :

« Faut-il lui dire qu’elle est là ? »

Le fait est qu’en venant pontifier à Indret, le poëte ne s’attendait pas à un pareil dénoûment. Certes, il eût été ravi d’amener devant la mère l’enfant coupable, humilié, à qui décemment elle n’eût pu faire aucune caresse ; mais lui conduire ce héros triomphant, ce martyr d’une erreur judiciaire, assister aux effusions, aux attendrissements de ces deux cœurs qui ne voulaient pas cesser de battre l’un pour l’autre, cela, c’était au-dessus de ses forces.

Cependant, pour commettre une telle cruauté, pour refuser à Charlotte et à son fils la joie de se revoir après les avoir ainsi rapprochés, il lui fallait des pré-