Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/128

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Lorie suivait la démonstration, de l’air entendu et grave d’un sous-préfet inspectant des travaux d’arrondissement. Éline n’écoutait pas, songeant à cette enfant venue juste à point dans sa vie pour en combler le vide et suffire à cet instinct de maternité qui commençait à s’agiter en elle. Pour Fanny, elle avait tout d’une mère, la patience infatigable, l’inquiétude, les soins coquets, ne s’occupant pas seulement des études, mais de la coupe des petites robes, de la nuance du chapeau et du ruban noué dans les cheveux. Cela la regardait seule, Sylvanire ayant abdiqué devant son bon goût et sa grâce. Et maintenant…

La Chaîne siffla. Les mariniers, leur repas fini, regagnaient le bord ; et bientôt le remorqueur, sa cheminée blanche et noire haletante, floconnante, ses flancs rougis au minium touchant presque de leur bordage les deux berges du bief, défila lentement, suivi de son train de bateaux. Les vantaux de l’écluse se refermèrent, refoulant l’énorme masse d’eau ; et le grincement de la Chaîne s’éloigna avec la remorque qui ondulait, diminuée, amincie jusqu’au dernier bachot, comme la queue d’un cerf-volant. Avant de quitter la jetée, l’éclusier présenta Baraquin, celui