Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/177

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à cet abandon, et dont les petits yeux, souvent aux repas, allaient de ce père trop poli à cette mère silencieuse, avec une curiosité inquiète et sournoise.

Que de fois Mme Ebsen et Éline s’étaient dit que la pauvre comtesse eût mieux fait de donner moins de son temps aux églises et d’en garder le meilleur pour son enfant, sa maison, sa tâche de mère et de femme, aussi consolante et moins stérile que son perpétuel agenouillement ! Maintenant Éline la comprenait et ne lui reprochait plus sa dévotion outrée, seulement ce que cette dévotion avait d’égoïste et d’improductif, la plainte profane dominant toujours ses effusions vers Dieu. Quelle différence avec le prosélytisme d’une Jeanne Autheman, le renoncement d’une Watson ?

« Par où allez-vous, Lina ? Je vais vous conduire… » disait Mme d’Arlot après la leçon ; et, dans sa voiture bien suspendue, tout à son chagrin et le berçant, le ressassant, elle s’abandonnait à de ces confidences découragées dont les femmes s’excitent et s’attristent entre elles, prêchait à cette enfant déjà troublée le dégoût, le mépris de la vie, le détachement de toutes les