Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/190

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n’ayant pour vitraux que le bleu de la mer, le cimetière d’herbes folles, aux croix serrées, bousculées comme par le roulis et le vent du large. Le beau coin pour prier et vivre en Dieu, si l’on n’était distrait à tout moment par la méchanceté, la sottise, le bruit vorace du pauvre bétail humain qui broute là. Pas un reflet du ciel dans tous ces yeux, ni une pensée vers la survie. Sur le petit mur bas du cimetière, les enfants jouent, les ménagères s’asseyent pour coudre aiguisant leurs langues meurtrières ; et le dimanche soir, les belles filles, troublant la mort de chansons profanes, mènent des rondes et remuent de leurs jupes folles l’ombre entremêlée de ces croix de tombe que la lune allonge sur la plage. Mais ce que j’ai vu à la maison est encore bien plus triste.

« L’accueil des mes vieux parents fut tendre, à l’arrivée. Un doux rappel des sollicitudes d’autrefois pour l’enfant devenue femme agitait, étonnait mon père et ma mère me cherchant les premiers jours dans mes paroles, dans mes regards et les moindres activités de ma vie à leur foyer. Mais à mesure que le calme se faisait en eux, qu’ils reprenaient leurs habitudes journalières,