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Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/192

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hier matin, enfermée dans ma petite chambre, un semblant de cellule aux meubles de bois, où je me réfugie à toute heure, pour prier, méditer, écrire, vivre à genoux, ô Jésus, devant ta croix conductrice des âmes, j’ai entendu mon père (ces cloisons sont si minces) demander brutalement à ma mère ce que j’étais venue faire chez eux, puisque je ne voulais ni coudre, ni filer, ni aider aux soins du ménage. Il criait : « Va lui dire… va lui dire. »

« Un moment après, ma mère est montée doucement, elle a tourné autour de moi avec son air éternellement embarrassé, m’a grondée tout bas de ne pas m’occuper. Mes sœurs étaient mariées ; la plus jeune, en service à Christiania, trouvait moyen d’envoyer quelque petit secours aux parents. Ma santé s’améliorait, il fallait pourtant tâcher de… ou alors… Je ne l’ai pas laissée finir. J’ai pris entre mes mains ce vieux visage, dont les baisers étaient si doux autrefois à ma tête blonde ; et je l’ai baigné longuement de mes larmes, les dernières. « Et maintenant, où irai-je puisque les miens ne veulent plus de moi ? Il m’en fallait si peu cependant pour ne pas mourir. On m’offre une place à