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Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/213

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« C’est pour Éline, n’est-ce pas ? » dit-il au bout d’un instant.

« Oui.

– Elle exige cela de vous ?

– Elle, ou du moins ceux qui la font agir.

– Je sais… je sais… »

Il savait. Il avait vu la voiture de Mme Autheman s’arrêter souvent devant la porte ; il connaissait la femme, et les menées dont elle était capable.

Si Bonne ne le lui avait pas défendu, il eût depuis longtemps prévenu la mère. Encore à présent, pénétrant jusqu’au fond du drame que Lorie ne faisait qu’entrevoir, il aurait eu bien envie de parler. « Oh ! oui, je la connais, cette Jeanne Autheman. C’est la femme qui brise et qui détache, l’être sans cœur et sans pitié. Partout où elle passe, les larmes, la désunion, la solitude. Avertissez la mère, car ce n’est pas de vous seulement qu’il s’agit. Qu’elle emmène Lina, bien vite, bien loin. Qu’elle l’arrache à cette morte vivante, à cette mangeuse d’âmes, froide comme la goule des cimetières… Peut-être en est-il encore temps… »

Aussandon pensait tout cela, mais il n’osait