Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puis elle n’entendit plus que l’écho de sa lente promenade, le ruissellement de l’interminable pluie, ou dans les cages vitrées le froissement d’un lourd feuillet retourné, un nez invisible qui se mouchait bruyamment.

Mme Ebsen s’ennuyait d’attendre ainsi, l’estomac creux, les pieds froids, et, pour se consoler de sa longue faction, songeait que tout à l’heure, dans leur petit nid capitonné, elles s’installeraient toutes deux vis-à-vis l’une de l’autre devant une bonne « soupe de bière » toute chaude… Huit heures !… Voici les coups de sifflets et les rebondissements de l’entrée en gare. Les portes s’ouvrent, et toujours pas d’Éline… Décidément on l’avait retenue au château ; la mère allait trouver une dépêche en rentrant. C’est égal, après tout ce que Mme Autheman savait de leur vie si serrée et si tendre, ce n’était pas chandi ; Éline non plus n’aurait pas dû céder. La pauvre femme grondait toute seule revenant sous la pluie et barbotant dans les flaques d’eau, par ces longues avenues qui alignent de la gare au Val-de-Grâce de grandes constructions inhabitées, des cinq étages de plâtre neuf avec des trous noirs pour fenêtres.