Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/250

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vais m’adresser à la justice. Nous allons voir si c’est permis des abominations pareilles. »

Malgré ces menaces qui l’émouvaient peu, Mme Autheman la reconduisit jusqu’au perron et fit signe au domestique de l’accompagner, toujours majestueuse, impersonnelle comme la destinée. À mi-chemin, la mère se retourna, s’arrêta une minute sur cette terrasse où sa fille se promenait hier, ce matin peut-être. D’un regard elle enveloppa le grand parc silencieux, dominé de la croix de pierre blanche qui sortait du brouillard, comme au faîte d’un cimetière.

Oh ! s’élancer vers ces bois touffus, vers ce caveau de mort qu’elle sentait lui cacher sa fille murée là vivante, se ruer à faire sauter la porte, avec un grand cri terrible : « Lina !… » la prendre, l’emporter loin, la rendre à la vie… Cela traversa sa pauvre tête d’un jet rouge. Puis une honte la retint, le sentiment de son impuissance en face de ce luxe et de cette belle ordonnance qui l’impressionnaient malgré tout.

La justice ! Il n’y avait que la justice.

*

Résolue et droite, elle marchait vers le village, ayant son plan tout prêt, très simple. Aller trouver