Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/255

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malheur d’ajouter : « C’est ma fille… ils me l’ont prise… »

Aussitôt l’homme s’embrouilla… Il ne se rappelait plus rien… Était-elle venue hier ?… On lui dirait ça au château… Toujours le château ! Et la longue et grise maison montait, grandissait dans l’esprit de la mère comme une bastille, une forteresse, une ce ces immenses bâtisses féodales ombrant de leurs tourelles et minant de leurs fondations, de leurs fossés de défense tout le pays d’alentour.

Au bord de l’eau, en face d’une petite crique où des femmes accroupies lavaient du linge, le presbytère semblait une maisonnette de pêcheur, avec des bachots amarrés au bas des marches, ses grands éperviers qui séchaient entre deux perches, tendus comme des hamacs. Le curé lui inspira confiance tout de suite par sa carrure robuste, ses petits traits enfantins noyés dans la largeur de sa face rougeaude et creusée de fossettes. Il fit entrer cette visiteuse convenablement mise, dans son petit salon pénétré par la fraîcheur humide du rez-de-chaussée et de la rivière, s’effara un peu de sa première phrase : « C’est une malheureuse mère qui vient vous