Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/370

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et du même accent fatidique : « Rien à faire… »

N’osant encore rentrer rue du Val-de-Grâce, elle continuait à occuper seule la chambre d’Henriette qui, à bout de ressources, venait de partir en Podolie. Elle-même, à la fin de ses petites économies, avait dû reprendre quelques anciennes leçons. C’était sa distraction pendant le jour ; mais la longueur des soirées lui faisait presque regretter sa turbulente amie, surtout depuis la maladie de Magnabos. L’orateur funèbre, ayant pris un chaud et froid au dernier enterrement, traînait un mauvais rhume à fièvre et à grosse toux creuse, ébranlant de ses quintes les manitous sur leurs tréteaux. On lui défendait de parler ; et Mme Magnabos, tout en continuant à coucher d’assiette, devait subir l’humeur furieuse de son malade, enragé de l’idée que les frères mouraient et s’enterraient sans lui.

Tristesse pour tristesse, Mme Ebsen restait dans son taudis, devant la lézarde du grand mur toujours plus creuse ; et la pensée de sa fille, rentrée despotiquement en elle, depuis qu’elle ne craignait plus le cabanon des folles, l’obsédait sans relâche. « Où est-elle ? Que fait-elle ? » Ne recevant plus de lettres, elle