Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/39

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drames, vaudevilles, opérettes, féeries, comédies, machinalement, comme le bœuf laboure, la tête basse et les yeux vides. Lorie, les premiers temps surtout, s’intéressait à sa besogne, s’amusait des mille intrigues bizarres défilant au bout de sa plume, et des cocasseries du vaudeville à surprises, et des péripéties du drame moderne avec son éternel adultère, accommodé à tous les piments.

« Où vont-ils chercher tout ça ? » se disait-il parfois, effaré de tant de complications infinies en dehors des réalités communes. Ce qui le frappait aussi, c’était la quantité d’excellents repas que l’on fait dans les pièces, toujours du champagne, du homard, des pâtés de venaison, toujours des gens qui causent la bouche pleine, la serviette sous le menton ; et tout en transcrivant ces détails de mise en scène, lui déjeunait d’un croissant de deux sous qu’il émiettait honteusement au fond de sa poche. D’où il conclut que le théâtre et la vie sont des choses absolument différentes.

À ce métier de copiste, Lorie se faisait des journées de trois ou quatre francs, qu’il aurait pu doubler en travaillant le soir chez lui, mais