Page:Daudet - L'Évangéliste, 1883.djvu/84

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Avant la fin de la discussion, Lorie se leva subitement : « Allons, Fanny, dis bonsoir… » Ce salon des Ebsen, l’endroit du monde le plus gai, le plus amical pour lui, pour ses enfants, lui semblait lugubre maintenant, indifférent à sa vie. Il s’y sentait étranger, en visite ; et cela tout simplement parce que la bonne Mme Ebsen l’avait mis à son plan d’homme déjà mûr, sans conséquence, en parlant devant lui du mariage de Lina.

Eh ! oui, elle se marierait, cette charmante fille ; elle se marierait bientôt, et celui qui l’aurait pourrait en être fier. Si instruite, si courageuse. Tant d’ordre, de raison, d’indulgente tendresse. C’est égal, cette idée le rendait triste, le poursuivait jusque chez lui, dans sa petite chambre sur le jardin. Les enfants couchaient à côté ; et il entendait le gazouillis de la fillette racontant à Sylvanire, en train de la déshabiller, ce qui s’était passé dans la soirée chez ces dames. « Mademoiselle a dit… mademoiselle s’est fâchée… » Elle tenait une si grande place auprès de la petite orpheline, cette mademoiselle. Mais une fois mariée, elle aurait ses enfants, elle ne pourrait plus s’occuper de ceux