Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/134

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« châteaux » à vingt francs le verre. Ils se sont mis à deux, Danjou et lui, pour cette partie de débinage très reçue dans la société. Et ils en savent, et ils en racontent. Lavaux lance l’ordure, Danjou la repaume ; et l’ingénu garde-noble, ne sachant au juste ce qu’il faut croire, essayant de rire, le cœur étreint à l’idée que la duchesse pourrait les surprendre, éprouve un vrai soulagement en entendant son oncle qui l’appelle à l’autre bout de la terrasse : « Oh !… Pépino… » La nonciature se couche de bonne heure et lui fait expier en sagesse les mésaventures de la barrette.

« Bonne nouit, messieurs.

— Bonne chance, jeune homme. »

Le nonce est parti. Vite, la surprise ! Sur un signe de la duchesse, l’auteur de Roxelane se met au piano, traîne sa barbe sur les touches en plaquant deux moelleux accords. Aussitôt, là-bas, tout au fond, les hautes portières s’écartent, et dans l’enfilade des salons étincelants s’avance au petit trot, sur la pointe de ses souliers dorés, une délicieuse brunette en maillot de danse et jupes ballonnées, menée au bout des doigts par un sombre personnage aux cheveux roulés, à la face macabre coupée d’une longue moustache en bois noirci. Déa, Déa, la folie du jour, le jouet à la mode, et avec elle son professeur Valère, chef de la danse à l’Opéra. On a commencé ce soir par